L'aube nouvelle réveille les créatures diurnes dans les dunes de la baie d'Authie. Parmi ces créatures, il y a les soldats des deux petites armées qui ont passé tant de temps à se chercher et qui se sont enfin trouvées, à l'improviste.

 

 

-      Gustav Pim's : Que faites-vous là, Capitaine ? Vous étiez supposé couvrir l'entrée de la vallée !

-      Capitaine D'Argousiers : Mon colonel, mes unités sont en position sur les hauteurs, comme vous le souhaitiez. Nous avons aperçu des éclaireurs orchidiens au premières lueurs de l'aube. Je ne saurai trop vous recommander de déplacer votre camp, car il est situé dans un dangereux cul-de-sac contre ces broussailles impénétrables qui sont en contrebas ! Je me dois de signaler les objections concrètes que j'ai à l'esprit : nos forces dispersées ; quasiment pas d'espace de manoeuvre dans un sable très fin et sec ; une minuscule voie de retraite.

 

-      Gustav Pim's : Capitaine, je vous remercie de votre avis éclairé, mais ces éclaireurs dont vous parlez ne signifient pas qu'une armée est à l'approche ! Elle nous tourne peut-être le dos. Trouvez cette armée, aussi loin soit-elle, c'est votre travail ! Ce sont vos ordres !

-      D'Argousiers : Nous n'avons donc selon vous rien à redouter sur ces positions. Je suis inquiet de voir que, de jour en jour, on sous-estime davantage les dangers de cette campagne. Peut-être est-ce un effet de la lassitude.

-      Le lieutenant : Capitaine, en cas d'embuscade tentée par un parti ennemi, nous pouvons rapidement former des carrés de tireurs infranchissables.

 

-      Gustav Pim's : Nous n'avons rien à justifier, Lieutenant ! Monsieur d'Argousiers, si vous deviez à nouveau discuter mes ordres les plus simples et raisonnables, je me verrais obligé de vous faire remplacer à votre commandement ! Retournez donc là-haut !

 

-      Le lieutenant : En tant que vétéran de la guerre dans le désert, il s'imagine sans doute capable de sentir les choses sans les voir et d'être le seul à avoir raison. C'est peut-être lui qui voudrait vous remplacer.

-      Gustav Pim's : Grmpf... Nous sommes tous des vétérans...

 

Moins d'une heure plus tard...

 

-      Capitaine d'Argousiers : Sergent ! Rattrapez-les !

 

-      Le sergent : Mon capitaine !! Oh, mon capitaine !! Venez voir ça !!

 

-      D'Argousiers : Ce sont eux...

 

-      Quintovic : Le moment de vérité ! A l'attaque, braves Orchidiens !

 

-      D'Argousiers : Feu ! Et repli !

 

-      Chantalladçouss : Je me fais bien vieux pour tout ça... Mais quel pied !

-      Yadêmokyblès : On va se le prendre dans le tapis, le pied, oui ! Tant pis, il faut soutenir ce qui est fait.

-      Gason : Tibias et moi, nous épaulerons la IIIe Légion sur sa gauche pour déborder la ligne ennemie. Toi, tu attaques à droite pour neutraliser l'artillerie !

 

 

-      Madame Vulpin des Prés : Alors, Colonel ? Vous êtes toujours pas du tout inquiet ?

-      Gustav Pim's : Mais... Qu'est-ce que... D'où sortent-il autant de guerriers ?

-      Le lieutenant : Ils se sont regroupés pendant la nuit, à notre insu... Vos ordres Colonel ?

 

-      L'officier : Formez les rangs !

 

-      Quintovic : Mettez-y tout votre coeur, Compagnons ! Aujourd'hui, nous allons faire l'Histoire du mini-monde !

 

-      Tous : QUINTOVIC !!!!!! QUINTOVIC !!!!!!

 

-      Chantalladçouss : CHARGEZ !!!!

 

-      Le lieutenant : ...Vos ordres... Colonel ?

-      Gustav Pim's : Il faut verrouiller le centre, avec l'appui des canons... Ils vont sûrement essayer de déborder notre aile droite. Faites dire à D'Argousiers de reculer sur la butte.

 

-      D'Argousiers : Sergent Impoloko, allez renforcer la défense du camp ! Je vais essayer de tenir la voie de repli vers le bas de la vallée. Et demandez à Pim's de nous soutenir avec ses canons !

 

-      Juliéna Calaisio : Sire, gardez-vous à droite !... Sire, gardez-vous à gauche !

 

 

-      Madame Vulpin des Prés : Colonel, je ne trouve plus les autres !

-      Le lieutenant : Ô, mon colonel, tout est perdu, fors l'honneur ! Il ne nous reste à présent qu'à sauver les couleurs ! La cruelle chute de nos folles aspirations, laissera nos corps brisés sous l'ar...

-      Gustav Pim's : La ferme !! Rassemble tous ceux que tu peux, on se casse d'ici ! Madame, ne vous attardez pas pour vos collègues, on y va, on y va !

 

 

-      Dame Latêtokaré : Mon brave fils, mon Quinquin chéri, c'est encore ton jour de gloire ! Ta victoire est totale !

-      Quintovic : Ma victoire... On dira encore que c'est celle de mon oncle Gason, puisqu'il était là... Mais nous voilà, presque, enfin au bout de cette rude promenade en pleine nature. Je n'ai rien contre les déjeuners dans le sable, mais bon...

-      Juliéna Calaisio : Nous avons perdu 40 des nôtres dans cette aventure, Sire. Cela fait bien cher le pique-nique.

-      Quintovic : On ne fait pas de pique-nique sans casser d'oeufs.

 

Pendant que le jeune Quintovic ronchonne, l'oncle Gason a pris les choses en main : il organise les soins aux blessés des deux camps et interroge les prisonniers pour obtenir des informations sur la position de la tribu des Flammenkuchois. Mais les Hédoniens n'en savent pas plus que lui.

 

 

Il décide d'évacuer vers l'Authiegane les prisonniers et les Orchidiens non combattants, et d'affecter à cette mission de plus d'une semaine l'essentiel de la IIème Légion. Il sait que son turbulent neveu ne sera plus tenable une fois en possession du Poisson d'Or. En retirant la moitié de ses moyens, il souhaite le retarder un peu, tout en continuant à chercher l'ennemi invisible.

Cela suffira-t-il à assurer le destin du mini-monde berckois ? 

 

A SUIVRE...

Vallée secrète du Poisson d'Or, camp de la IIIe Légion, aux aurores.

 

 

-      Quintovic : Aaah ! Voilà une belle journée d'été qui commence ! Juliéna, quel jour sommes-nous ?

 

-      Juliéna Calaisio : Le 16 août, Sire. Nous aurons terminé ce soir, je pense.

-      Geldoush : C'est le cinquante-cinquième jour, Quintovic... Je t'en supplie ! Ne ramène pas le Poisson d'Or à la lumière du jour ! C'est dangereux, tu le sais ! Si tu remues cette chose du passé elle fera tomber sa malédiction sur notre peuple !

-      Quintovic : Foutaises et coquecigrues ! Je reviendrai en Authiegane avec cet objet et il confortera notre pouvoir. Que cela soit fait !

-      Dame Latêtokaré : Ma fille, arrête d'embêter ton frère. Il sait ce qu'il fait et il fait bien.

 

-      Le soldat : Sire ! Un messager envoyé par Tibias annonce qu'un groupe de Flammenkuchois a été vaincu et capturé par ses hommes dans la grande gorge des Hautes Dunes des Bourrasques !

-      Juliéna : C'est à un jour de marche d'ici. Ils nous ont donc suivis ?

-      Quintovic : Il n'y a donc pas d'inquiétudes à avoir, puisque Tibias les a neutralisés. Maman, la voie est donc libre. La colonne du général Papa est prête à partir avec les prisonniers hédoniens. Je souhaite que tu rentres avec eux.

 

-      Dame Latêtokaré : Tu... Tu veux m'éloigner ? Crois-tu que je sois une gêne dans ton triomphe ? Mon Quinquin, tu as besoin de moi, voyons.

-      Quintovic : Non... Non-non ! Enfin, oui, d'accord, bien sûr j'ai besoin de toi. Je veux juste te mettre à l'abri. Et puis nous sommes encore ici pour un moment, il vaudrait mieux que tu rentres pour assurer la régence. Mon fidèle secrétaire t'assistera.

-      Dame Latêtokaré : La régence ! Et il te faut presque deux mois pour penser tout à coup à la régence ?! Je croyais que ton ami imbécile Gêpludklop s'en chargeait ! Et ta soeur ? Elle part aussi ou elle a un traitement de faveur ? Es-tu en train de faire le vide autour de toi ? Tu veux donc me briser le coeur ? Quelle moucheron te pique ?

-      Yadêmokyblès : Il a raison, tu sais. Toi-même tu te plains des rudes conditions de vie dans le désert. Notre fils n'a pas besoin de toi pour absolument tout... Ce n'est plus un gamin, laisse-le respirer, un peu. Sinon, oui, Quintovic, je suis d'accord avec ta soeur : le Poisson d'Or est une grosse merde, tu fous-lui la paix, s'il te plaît ! Parce que ça commence à bien faire !

 

-      Quintovic : Geldoush ?... Tu te sens bien ?

-      Dame Latêtokaré : Ma chérie ?! Je suis désolée, on ne voulait pas crier.

 

-      Geldoush : Non, Maman, je ne vais pas en Authiegane !... Et toi, tu ne dois pas y aller non plus !!! Il va se passer de terribles choses là-bas ! Quintovic, abandonne, il le faut !!! C'est une banale question de vie ou de mort, vous êtes donc tous abrutis ?

 

-      Quintovic : Tu m'énerves ! Juliéna, emmène-la, partez avec mon père ! Tu ne veux pas voir le Poisson d'Or à la lumière ? Eh bien tu pars aussi ! Quand nous aurons fini, tu seras déjà hors de vue ! Allez !! Juliéna !!

 

 

Le chantier d'extraction de la Chose maléfique commença dans la bonne humeur. Le jeune et fier Quintovic observait tout ce petit monde qui s'agitait selon ses ordres.

 

Les Orchidiens dégagèrent du sable pendant deux heures torrides. Lorsqu'ils atteignirent les parois de la chambre souterraine, le roi descendit pour être aux premières loges.

 

 

A bonne distance déjà, la colonne de Yadêmokyblès progressait avec peine dans le sable brûlant et fin. Officiers, soldats orchidiens, civils, esclaves et prisonniers hédoniens, tous marchaient et souffraient ensemble, se soutenant mutuellement, en direction du Nord et du couvert de la forêt de pins encore si lointaine. Geldoush profita d'un moment où l'attention générale se relâchait pour fausser compagnie au groupe.

 

-      Dame Latêtokaré : Geldoush !! Mais enfin, rattrapez-là !!

 

 

Elle ne voulait qu'une chose : retourner en courant au camp et dissuader une dernière fois son frère d'exhumer le Poisson d'Or. Ou, au pire, elle tenait à être là pour voir le prodige tant redouté se produire... Et, vaincue par sa propre impuissance à changer le cours des choses, boire le calice jusqu'à la lie.

 

 

-      Geldoush : Ils sont aveuglés... Ils ne savent pas ce qu'ils font... Tu es revenu ?

-      Gason : J'ai laissé Tibias en surveillance dans la Grande Gorge. Les Flammenkuchois rôdent dans les parages, je le crains. Il faut convaincre les nôtres de quitter rapidement cet endroit. Mes hommes se chargeront de l'objet.

 

-      L'officier : Gloire à toi, Roi Quintovic !! Le Poisson d'Or est tien désormais !!

 

-      Quintovic : Cela est fort bien. Félicitations à tous, mes braves ! Réjouissez-vous car le voyage de retour commence maintenant !

-      Tous : HOURRAAAAAAAHHHHHHH !!!!!!

 

 -      Quintovic : Geldoush, te revoilà ! Vois donc !! Nous avons réussi !!

-      Geldoush : Tout cela est illusoire, voyons ! Je t'en supplie, renonce ! Renonce à cette folie ! Personne ne peut contrôler le piouvoir de cette chose, il se retourne toujours contre son possesseur !

-      Quintovic : Tu ne comprends pas ! C'est une vraie puissance qui nous est donnée, et on peut la maîtriser, c'est certain. Ce n'est qu'un objet, après tout, pas un sorcier. Rien que le symbole...

-      Geldoush : NON !! C'est le dernier jour, le cinquante-cinquième ! La prédiction est formelle. C'est le jour où tout notre monde peut s'effondrer par la faute d'une quête erronée !

 

-      Quintovic : On lève le camp, mes courageux compagnons ! Partout où nous irons, nous serons précédés du Poisson d'Or qui subjuguera nos ennemis et inspirera la terreur à tous ceux qui ne le sont pas encore et ils se soumettront tous. Parce qu'il est là, le vrai pouvoir ! Regardez seulement dans quel état ma soeur bien-aimée se met à cause de cette magie que personne ne comprend !

 

 

Au moment précis où le Poisson d'Or sortait de son long sommeil sous le sable et brillait au soleil d'un éclat sauvage et longtemps contenu, les événements se précipitèrent dans la cité souterraine d'Authiegane. L'insouciance et la sérénité laissèrent effectivement place à la terreur...

 

 

Cela commença par des Grands sportifs qui traversaient la vallée d'Authiegane. Ils couraient en martelant avec force le sol meuble. L'un d'eux, fatigué, se laissa lourdement tomber en position assise. Et, pendant qu'il soufflait, le visage en sueur, les cheveux collés au front et à la nuque, les yeux mi-clos tournés vers le ciel limpide, en écoutant la faible rumeur de la mer et le cri d'un oiseau, le terrain en dessous de lui se dérobait insensiblement.

 

 Insensiblement pour lui, en tout cas. Les guetteurs avaient signalé l'arrivée des intrus géants et face à ces alertes devenues fréquentes ces derniers mois, la garde avait calmement appliqué la procédure : fermeture des portes, évacuation des tunnels du premier niveau.

On prévint discrètement les sénateurs et le conseiller du roi Gêpludklop, qui assistaient à une joute au huitième niveau de la cité enfouie. Personne n'accorda plus d'attention à cette alerte qu'aux précédentes. Il fallait juste attendre que les Grands se soient éloignés. 

 

 

Mais le destin de la cité et des 600 personnes qui s'y trouvaient était scellé. Avec le tassement du sable des couches supérieures, débuta une horrible réaction en chaîne qui impliqua d'emblée une bougie et la réserve de poudre de l'armurerie...

 

 

 

 

 

 

Geldoush suivait le Poisson d'Or qui scintillait. Hallucinée, elle s'interrogeait : que se passait-il ? Rien encore. Et ce rien l'angoissait encore davantage. Le Poisson d'Or était exactement comme elle l'avait perçu avant de le voir réellement. Tout le monde voyait en lui une chose jolie et inerte, dont l'influence était sans doute largement fantasmée. Mais elle percevait autre chose... une vibration... une aura... une onde porteuse de menace... Elle voulait s'en approcher, le toucher pour en avoir le coeur net. Inconscient du danger, ignorant de ce qui passait au même moment dans leur cité, les Orchidiens paradaient et portaient la chose en chantant.

 

 

Le danger, pourtant, se rapprochait d'eux au pas de course.

 

-      Les Flammenkuchois !! 

La tribu du duc Galaarg fondait par surprise sur les Orchidiens. Les guerriers avaient réussi à passer à travers les broussailles sombres et peuplées d'insectes écoeurants. Ils surprenaient à présent la IIIème Légion dans une situation où elle ne pouvait pas se déployer.

 

 -      Chantalladçouss : Quintovic ! Geldoush ! Ne restez pas là ! Gason, emmène-les ! Je vais essayer de les retenir...

-       Gason : Abandonne dès que tu peux ! Tout cela n'en vaut pas la peine !

-       Chantalladçouss : La IIIème Légion a pour mission de défendre cette petite merde de poisson magique. Nous ferons de notre mieux. Partez vers le rivage, nous vous y rejoindrons autant que possible !

 

-      Quintovic : On ne peut pas échouer si près du but ! Nos hommes vont se ressaisir ! Battez-vous, bande de pleutres !

-      Gason : Arrête ! C'est fini ! Ordonne la dispersion de tes hommes pour les sauver et emportons le Poisson d'Or. Notre priorité, je suis désolé, c'est de le cacher ! Définitivement ! Geldoush, réveille-toi ! On part en vitesse !

 

La bataille tourne au chaos pour les Orchidiens. Chantalladçouss et Gambas Opporto tombent à leur tour pour avoir respecté leur serment jusqu'au bout.

 

 

 A SUIVRE...

 

La colonne conduite par Yadêmokyblès avait atteint l'ombre bienfaitrice des arbres. Tout le monde s'accorda un repos bien mérité. Ensemble mais bien isolés, ils ignoraient tout de ce qui était arrivé aussi bien à l'armée de Quintovic qu'à la cité d'Authiegane...

Dame Latêtokaré, épuisée, chantait doucement.

 

-      Dame Latêtokaré :

L'mos qui vient, d'Saint-Nicolas ch'est l'fête
Pour sûr, au soir, y viendra t'trouver
Y t'f'ra un sermon et t'laich'ra mette
Ind'zous du ballot un grand painnier
Y l'rimplira, si t'es sache
D'séquois qui t'rindront bénache
Sans cha, sin baudet,
T'invoira un grand martinet

Ni les marionnett's, ni l'pain d'épice
N'ont produit d'effet. Mais l'martinet
A vit' rappajé l'petit Narcisse
Qui craignot d'vir arriver l'baudet
Il a dit s'canchon-dormoire
S'mèr' la mis dins s'n ochennoire
A r'prs sin coussin
Et répété vingt fos che r'frain:
Dors, min p'tit quinquin,
Min p'tit pouchin, min gros rojin,
Te m'f'ras du chagrin,
Si te n'dors point j'qu'à d'main.

 

 

Le petit groupe d'Orchdiens avait réussi à emporter le Poisson d'Or loin de la bataille. Ils avaient à présent trois bonnes heures d'avance sur leurs poursuivants.

Ils étaient parvenus en bordure de la plage. Les deux grandes questions qui se posaient à Quintovic à ce moment étaient : 1 : où donc se trouvaient-ils ? 2 : que faire du Poisson d'Or ?

 

 

-      Quintovic : Nous n'aurions pas dû aller vers la mer ! Nous sommes perdus en pleine nature, sans points de repères !

-      Gason : Mon neveu, il faut te réveiller : ton rêve de puissance est mort, étouffé avec la gueule pleine de sable ! Il faut se débarrasser de ce sinistre objet, le jeter dans la marée montante.

 

-      Quintovic : Noon !! On ne peut ps faire ça !!

-      Geldoush : Il n'y a pas à hésiter ! Regarde le beau résultat de cette quête idiote ! Et qui sait ce qui est advenu de nos parents, de tous les autres et même de la cité ?! Je pressens le pire !

 

Le pire vint d'autres poursuivants que les Orchidiens n'avaient pas prévus. Le colonel Gustav Pim's était déterminé à preendre sa revanche.

 

-      Gustav Pim's : Seigneur Gason, je vais vous demander de me remettre le Poisson d'Or et tout se passera presque bien !

-      Quintovic : Je suis le roi Quintovic ! C'est à moi que vous devez parler !

-      Madame Vulpin des Prés : Colonel, il y a eu trop de morts autour de cet objet qui ne méritait sans doute pas tant d...

-      Gustav Pim's : La ferme ! Vous deux, fermez-la ! Vous croyez que je le veux pour la science ou pour la gloire ? Je veux juste détruire cette merde et gagner un tout petit peu cette malheureuse bataille dont il fut l'enjeu !

-      Gason : Alors, nous voulons la même chose, colonel Pim's. Baissez vos armes, je vous en prie.

 

-      Gustav Pim's : V'là que ça fume, maintenant. Pourquoi ça fume ? Qu'est-ce qu'il fait ?

-      Gason : ...Euh... Je sais pas trop...

 

-      Quintovic : Mais enfin... arrêtez-le !

-      Geldoush : Non, laisse-le ! Il cherche l'eau, je crois !

 

-      Quintovic : Rhâââ !! Ma divine soeur, l'Oracle de l'eau, a encore parlé ! Tu es folle ! Tu ne m'aides pas, jamais !!

 

-      Quintovic : Geldoush !! Pardonne-moi !!

-      Geldoush : Je ne te quitte pas. Nous partons ensemble.

 

 

 

-      Gason : ...Mmmm...

 

-      Le médecin : Monsieur Authienoüs ? Est-ce que vous m'entendez ?

 

-      Gason : ...Mmmfffhoui... Je crois que ça va, mais je suis dans le coton...

-      Le médecin : Il a fallu opérer votre bras blessé sous anesthésie générale. Je suis le docteur Ibüprofein et vous êtes à bord du Sasgarion. Je crois que vous connaissez ce vaisseau, n'est-ce pas ?

 

-      Gason : ...?... La Cité Volante Miniature ? Par quelle chance incroyable ? Où sont les autres ?

-      Docteur Ibüprofein : Je suis désolée, nous n'avons trouvé que deux survivants, vous et ce monsieur.

 

-      Gason : C'est Philêminion, mon serviteur ! Au moins, il y a une bonne nouvelle.

 

-      Docteur Ibüprofein : C'est lui qui vous a sorti du sable et vous a hissé sur une hauteur. Nous n'avons retrouvé que deux corps non identifiés, des ennemis nous a-t-il dit... Et celui d'un officier hédonien. Mais nous n'avons pas pu poursuivre les recherches, l'eau montait. C'était une marée à fort coefficient et elle a tout emporté sur plusieurs dizaines de centimètres vers les dunes. Vous avez eu une chance folle d'être retrouvés dans ces circonstances. Je laisse le soin au professeur Chardonville de vous expliquer ce qui s'est passé. Il souhaite vous voir quand vous serez plus solide sur vos jambes.

 

 

-      Chardonville : Bonsoir Seigneur Gason. Heureux de vous revoir en vie, ou presque.

-      Gason : Bonsoir Jérôme. Il s'en est fallu de peu, à ce qu'on m'a dit ce matin. Vous êtes toujours fidèle au poste ! Je vous croyais à la retraite depuis longtemps.

-      Chardonville : Il s'en est fallu de peu aussi. Ma femme et moi étions effectivement en retraite dfepuis trois semaines mais l'ennui nous a saisi. En fait, on nous a rappelés pour une mission importante. Et voilà.

 

-      Derdrie Chardonville : Bonsoir, Gason. Vous semblez avoir bien récupéré, par bonheur. Vous êtes resté longtemps dans le cirage. Vous savez... Nous avons fait tout ce que nous pouvions, mais les recherches étaient devenues impossibles. Philêminion nous a tout raconté.

-      Gason : Alors... Mon neveu Quintovic et, ma nièce Geldoush... Le Poisson d'Or ?

 

-      Derdrie : Définitivement perdus, hélas.

-      Jérôme : Ce n'est pas tout : votre frère et les rescapés de votre expédition ont été reccueillis par un autre vaisseau. Mais... il y a trois jours, nous avons reçu de la colonie d'Authiegane un appel radio qui a été interrompu. La cité souterraine s'est effondrée à la suite d'un mouvement de terrain dans la vallée. Les secours ont convergé de partout, même les Grands de Groffliers y sont allés. Peu d'habitants en sont sortis vivants, on parlait ce matin d'une vingtaine de personnes sauvées. Les recherches continuent, sans grand espoir.

-      Gason : ...Ma nièce avait prédit tout ça...

 

-      Gason : Comment sommes-nous arrivés à bord ?

-      Chardonville : Il s'est produit quelque chose d'étrange. Alors que nous quittions l'Authiegane pour vous rechercher, nous avons capté un signal. Une sorte de petite chanson très brouillée, nous n'avons rien compris, quinquin-quelque chose... Le signal a gagné fortement en intensité quand nous vous avons survolés. Comme si vous aviez une balise de détresse avec vous.

 

-      Gason : ...Ou comme si un objet maléfique avait chanté pour protéger celui qui a passé la moitié de sa vie à le soustraire à la fascination des autres. Une bonne action, une seule, avant de finir dans la mer. Il nous a probablement sauvés, Philêminion, il l'a fait après avoir tué tous les autres parce que l'occasion de disparaître se présentait enfin. Ne cherchons aucune logique, ni aucune sentimentalité là-dedans.

 

-      Philêminion : Tu crois vraiment, Seigneur Gason ? La mer nous en a débarrassés ?

-      Gason : Qu'il soit mort, ou seulement déchargé de sa puissance, ou libre de faire sa vie dans ce qui était peut-être son élément, peu importe. Sa signification allait au-delà de notre intelligence. Ce qui est certain, c'est qu'il est à présent inaccessible pour les mini-gens. La boucle est bouclée. Nous avons enfin compris qu'il n'était pas pour nous et nous n'entendrons plus jamais parler du Poisson d'Or...

 

EPILOGUE

 

-      Le philosophe Moralambès : Voilà... C'est ainsi que s'achève cette étrange histoire. La chute de l'éphémère roi Quintovic, que sa mère appelait affectueusement son P'tit Quiquin, troisième et dernier seigneur du minuscule et défunt royaume d'Authiegane, a découragé à jamais le retour des colons orchidiens dans les dunes. La mère du jeune roi Quintovic et de Geldoush a terminé sa vie dans le chagrin et la folie. Et Gason Authienoüs est parti avec ses proches amis en Sologne, ou dans les Vosges peut-être, ou sur l'île de Groix... Personne ne sait vraiment. Il n'a pas donné de nouvelles depuis de longues années.

-      Un élève : Mais... Le Poisson d'Or ? Qu'est-ce que c'était ? Où est-il allé ?

 

-      Moralambès : Qu'est-ce que c'était ?... Qui le sait vraiment ? Peut-être une autre forme de vie et de conscience... L'embryon d'une nouvelle civilisation à la recherche du milieu où elle pouvait se développer, ou bien son dernier représentant égaré dans notre plan d'existence... Nous en sommes toujours réduits aux conjectures. Nous ne pouvions pas le comprendre ni l'apprivoiser. Nous avons vu comment tous ceux qui ont prétendu s'en servir ont chèrement payé leur orgueil naïf. Cette... cette chose a visiblement tout fait, sans états d'âme, pour que les mini-gens réalisent le danger qu'il y avait à la côtoyer et, finalement, la libèrent. Le Poisson d'Or est parti là où il devait aller et cela ne nous concerne plus. Aussi cruel et inutile que cela nous apparaisse. Cet objet, si c'en est un, que nous avons jugé néfaste par nature, nous a révélé notre incroyable fragilité. Si le monde miniature a survécu à cela, c'est qu'il a du sens, non ? Pensez-y !

 

-      Un élève : La légende de Gason et les Sablonautes nous apprend elle aussi que nous servons sûrement à quelque chose, malgré les contrastes et la désespérance qui la marquent. Tout cela n'aura pas été en vain. Nous avons besoin de ces légendes.

-      Moralambès : Aimerais-tu de prendre la suite, Discrêtos ? Alors hâte-toi de relancer la machine à rêves, car les déclinologues de la Faculté nous annoncent l'affadissement et la liquéfaction du mini-monde pour bientôt ! On nous promet le néant, rien que ça ! C'est sûrement exagéré... 

 

-      Moralambès : Ne vous demandez pas s'il y a une vie après la vie, ou même avant. Cherchez à savoir s'il y en a une pendant. Quel que soit le temps que ça prend, celui-là au moins ne sera pas complètement perdu pour vous. Si une chose ou une réponse ne vient qu'à une certaine heure, ça ne veut pas forcément dire que vous avez été trop lents, ou qu'elle est en retard et qu'elle a lambiné en chemin. Oui, à trop tergiverser et réfléchir, on passe à côté de choses qu'on ne verra plus revenir, c'est le risque. Cela nous amène à des choix, à des démonstrations de pragmatisme, à des renoncements portés par des angoisses, toutes sortes de facteurs qui mettent à l'épreuve notre capacité de patience, d'imagination, d'adaptation, mieux, de transformation ! Parfois, le temps est assassin, c'est vrai. Alors ne lui donnez pas d'armes. C'est une des leçons que l'on peut retenir des aventures de Gason Authienoüs : Prenez les choses comme elles viennent et si elles ne viennent pas même si vous aviez de bonnes chances de votre côté, c'est qu'elles n'étaient pas pour vous. Vous avez le droit d'être modestes et de parler bas et avec mesure, ou bien au contraire, faites porter au loin votre voix si vous en avez envie ! Mais au final, ne considérez que ceux qui peuvent l'entendre et ne vous obstinez point sur les autres.

 

-      Moralambès : Votre mini-monde s'agrègera ainsi de lui-même, avec les personnes que vous aurez méritées. Il sera stable et solide, il en ressortira forcément quelque chose de bon pour vous et votre entourage... Le bonheur peut avoir des recettes simples. Oui, ce sont des leçons que l'on peut retenir. Ou pas. En somme, ne regrettez rien. Si échec ou maladresse il y a, eh bien ce n'était qu'une porte fermée, rien de plus, et passez à la suivante et attachez-vous à réparer tranquillement, sereinement, les dommages. Ce qui compte, c'est de garder des envies, de les cultiver, de faire confiance à l'imagination qui nourrit et qui sauve la vie. Alors si votre vie vous donne un jour un motif de tristesse, de désarroi ou de colère... faites-en une légende. Le seigneur Gason était comme ça. Le mini-homme qui ne voulait pas être roi et qui a pourtant été le meilleur, a fait de l'héroisme et de l'admiration béate qu'il suscite une belle connerie. Il y a de bonnes chances pour qu'il soit heureux aujourd'hui, même si ça ne se voit pas.

 

-      Discrêtos : Et l'amour dans tout ça ? Quelle est sa place ? La légende de Gason n'est pas très claire là-dessus, ni très optimiste...

-      Moralambès : L'amour ?... Euh, tu veux une claque ?

 

-      Moralambès : Bon, vous m'avez bien écouté aujourd'hui et vous avez à peine somnolé pendant les passages les moins excitants. Allons nous restaurer, vous l'avez bien mérité !

 

 

FIN