La baie d'Authie. Avant les les grands travaux entrepris par les Grands en 2019-2020, tout l'espace dunaire et forestier était menacé par une érosion qui allait en s'accélérant gravement depuis une  dizaine d'années. A certains endroits, les mini-gens virent la disparition de leur cadre de vie. Tout un écosystème avait été dissous et emporté par l'action de la rivière qui se dandinait contre les dunes et y creusait plus profondément son lit, action fluviale renforcée par les marées et les tempêtes dans une baie où les courants étaient très forts. 

 

 

  

Les mi-aventuriers continuaient leur voyage dans le désert, encore assez loin de la mer. Plus ils avançaient, plus la princesse Geldoush était anxieuse. Elle voyait souvent apparaître le mythique Poisson d'Or, qu'elle n'avait jamais vu en vrai...

 

 

 

C'était le 3e jour de voyage. On touchait au but. Le colonel Kadawreski guidait la colonne à travers ce qu'on appelle "des dunes grises", encombrées d'herbe et de broussailles. Il avait fait accélérer le pas de la colonne pour atteindre le site prévu pour le dernier bivouac avant d'entrer dans la vallée de Philêoujah Pellapolis.

 

 

 

 

Noïm : Thoryn, ça va ?

Thoryn : Fatigué de marcher. Et pour une fois on a du soleil, ça tape, j'vais en avoir marre tôt...

Noïm : D'accord... Je ne suis pas tranquille. Il y a quelque chose dans l'air qui ne me plaît pas.

Thoryn : Un danger approche ? D'habitude, quand c'est le cas, tu le reçois fort et clair.

Noïm : Je ne suis sûr de rien. Je sens une menace sourde et en même temps quelque chose qui voudrait la couvrir...

Thoryn : Donc oui, il y a danger ! Ce serait quoi ? Un animal tapi dans tout ce bazar, un rongeur, ou un oiseau qui va nous tomber dessus ?...

 

 

Noïm : Capitaine Gêphynito, je crois que l'escorte devrait se préparer à repousser une attaque...

Gêphynito : Une attaque, Monsieur ? C'est une impression que vous avez ?

Noïm : Je suis bien conscient qu'une simple impression ne suffira p...

Gêphynito : Non, vous avez raison. Dans ces broussailles il faut redoubler de prudence. Mais je vous assure que nos hommes sont bien entraînés et prêts à tout.

 

Kadawreski : ODUNGA !! NOULKOU BASSAME MAJORIS, OLGA SASSAFRA MAHIDJOU !!

L'homme : Oui, Colonel Igor, oui... C'est déjà fait, les éclaireurs ont sécurisé la clairière.     

 

Kadawreski : Bon. Tout roule ! Allez, les gars ! On y est presque ! NATAKEBA ! NATAKEBA !

 

 Kouroun : Noïm, ça ne va pas ? Tu as l'air inquiet. Tu sens quelque chose ?

Noïm : Non, plus rien... Et pourtant si. C'est confus.

 

 

Le danger était bien réel, et très proche.

 

 

Kadawreski : Courez !! L'escorte en position !!

Bulotricia : Qu'est-ce que c'est ?!?

Thoryn : Venez !!

 

 

 

 D'instinct, Thoryn saisit un bâton et s'interposa entre le lézard et Bulotricia.

Thoryn : Ecartez-vous !

 

 

 

C'était Thoryn à présent qui était en grand danger. Les hommes de l'escorte entourèrent le monstre pour détourner son attention.

 

 

Kouroun : Thoryn !! Noïm, tu peu faire quelque chose ?

Noïm : Oui, je vais essayer. Ce n'est pas facile dans l'émotion.

Kouroun : Ne doute pas de toi, pense à ce que tu dois faire !

 

 Geldoush vit Noïm disparaître, s'effacer. Les yeux écarquillés, elle le cherchait encore dans l'arrière-plan terrifiant qu'elle avait devant elle, alors que montait une sensation nouvelle. Dydrar et Kouroun commencèrent à la percevoir aussi, mais ils la connaissaient. Les autres restèrent figés, saisis par une terreur soudaine, le souffle coupé. C'était comme si un autre prédateur, encore plus horrible, rôdait autour du convoi, son souffle rauque, son odeur fauve emplissaient l'air et les esprits. Les hommes s'écartèrent doucement des monstres en silence, la peur montait, une peur venue du fond des âges des mini-gens qui les ramenait au temps où la nature avait tous les droits sur eux.

 

 

L'attitude des deux lézards était totalement changés aussi. Troublés, ils râlaient et crachaient en cherchant l'intrus formidable qui semblait être venu pour eux. Quelques hommes de l'escorte surmontèrent leur effroi et reprirent leurs armes.

 

 

 

Les mini-gens les virent reculer, sur la défensive, vaincus par la peur eux aussi. Thoryn comprit ce qui se passait et rassura Bulotricia : 

Thoryn : Tout va bien, on a déjà fait le plein de monstres. Là, c'est Noïm qui leur joue un tour à sa façon. 

 

 

 

 

Les mini-gens se sentirent soudain libérés de leur frayeur et de ses effets.

Kadawreski : Quelqu'un peut me dire ce qui vient de se passer ? 

Et Noïm réapparut.

 

Kouroun : Bravo Noïm ! Tu as réussi !

Noïm : Je suis épuisé... Mais ça valait le coup.

Kadawreski : Il n'y avait donc pas d'autre monstre ? C'était vous ?

Noïm : Pour résumer, je n'ai fait que vous projeter des sensations fondées sur rien de réel, sur vous et sur les lézards. Ils ont obéi à un impérieux réflexe : fuir pour ne pas être mangés. Un jour peut-être, quand on se connaître mieux, je vous raconterai...  

 

Noïm : Bravo Thoryn ! C'est toi le vrai héro dans l'histoire. Affronter une créature pareille avec un bâton, ça c'est tout sauf naturel.

Bulotricia : Vous resterez définitivement près de moi, Thoryn. On ne sait jamais !

Kouroun : Bien joué, Thoryn !

Thoryn : Maintenant que tout le monde a l'air soulagé, c'est moi qui commence seulement à avoir peur. Sur le moment, j'ai oublié... Il serait bon que vous preniez un peu de repos, Mademoiselle. En tout cas, c'est ce que je vais faire. 

 

Kadawreski : Nous devons repartir pour rallier le dernier camp de base. Après nous être occupés des victimes. Nous avons 2 morts, 3 blessés légers...

Kouroun : Ce voyage est bien plus dangereux qu'on ne pouvait s'y attendre. C'est de notre faute si vous êtes tous là.

Kadawreski : Ces voyages dans le désert n'ont jamais été une sinécure. Mais là, il est vrai que l'on cumule les ennuis. On m'a parlé de ces animaux, qui n'ont évidemment rien à voir avec la faune locale. Ils seraient apparus il y a très peu de temps. Un témoin affirme qu'ils ont dévoré un petit groupe de nomades qui campait en bordure de la vallée. Bon... Départ dans une heure. 

 

Noïm : Bien sûr qu'ils n'ont rien à voir avec la faune locale. Et puis je n'ai presque pas senti venir le danger. Une force masquait leur présence et ça je l'ai bien senti.

Kouroun : Donc ils sont contrôlés par quelqu'un qui sait très bien qui nous sommes. Et nous savons bien sûr qui c'est. Je ne sais pas bien ce que nous sommes supposés faire. J'espère juste qu'il n'est pas déjà trop tard. 

 

Avant la tombée de la nuit, le convoi avait atteint la clairière et dressé le campement.

 

Kadawreski : Docteur Forestier, comment vous sentez-vous ? Que d'émotions, n'est-ce pas ?

Bulotricia : Quand je raconterai ça à mon frère Raoul, il ne me croira pas. D'habitude, c'est lui qui des aventures à raconter. 

 

 

Bulotricia : Et tout ce ci est votre lot quotidien, Colonel. Aimez-vous vraiment le désert à ce point ?

Kadawreski : Je l'exècre, Mademoiselle. Mais il fait partie de moi et je suis une minuscule particule de ce tout. J'ai combattu dans ce désert quand j'étais un officier casteignan, contre votre armée d'ailleurs, contre l'Orchide et votre ancien roi Gason, le légendaire Gason qui m'a systématiquement, invariablement battu. J'y ai vécu l'essentiel de ma vie. Le peu de choses qui ont pu, à un moment ou un autre, exciter mes passions et mon imagination, je les ai trouvées ici. 

 

 

 Toute ma vie est ici. La vôtre est dans le douillet mini-monde qui vit sous la protection de la Confrérie des Grands, dans un jardin aménagé, presque aseptisé. Si je voulais vous vexer, je dirais  qu'en somme vous êtes de ceux qui ont été apprivoisés et vivent dans une forme de captivité, alors que moi j'ai fait le choix de rester à l'état sauvage et libre. Avec parfois le prix à payer que cela implique, d'inconfort et d'insécurité. Ces 40 hommes qui forment notre troupe vous diront tous la même chose. Ils n'imaginent pas vivre ailleurs, surtout pas dans le Jardin. Ils sont rudes et courageux, solidaires et pacifiques, même s'ils ne sont pas tous très recommandables au sens de vos lois. Notre vie est belle, je vous l'assure. Ici, nous connaissons certes le dénuement et la fatigue mais aussi, en général, la paix, l'équilibre des choses, le silence particulier de la nature, qui n'en est pas un...

 

Kadawreski : ODUNGA !! BALAJO MAKARÊ POUTOUMI, MAGNA GONDWANI DOTORESSA !!

Bulotricia : ...???

L'homme : Oui, Colonel Igor, oui... C'est déjà fait.

 

Kadawreski : Ah, très bien. Votre tente est prête. Vous allez pouvoir vous reposer.

Bulotricia : On veut tout le temps que je me repose, mais je vais bien... Ah, je voulais vous demander : pourquoi donnez-des ordres à vos hommes dans une langue qui n'existe pas ?

Kadawreski : Oui, c'est une habitude. C'est pour impressionner les touristes que nous promenons dans les dunes, pour les plonger dans une ambiance d'exotisme et d'aventure.

Bulotricia : Mettez aussi les gros lézards dans votre programme d'attractions. Vos touristes en auront pour leur argent.

 

Kadawreski : De toute façon, mes hommes sont tous de grands professionnels de l'expédition aventureuse et du tourisme, ils n'ont même pas besoin que je leur donne des ordres. Mais je suis quand même le patron... Jeunes gens, voici la fin de ce triste chapitre ! Demain matin, nous descendrons dans la vallée et vous atteindrez le sanctuaire des Reulous, le lieu de votre mission !

 

 

 

  A SUIVRE...

dans le chapitre 4 ci-dessous