Gason Authienoüs s'était mis en route, tout doucement.

 

 

En fait, très inutilement, il avait pris son bateau pour traverser le bassin aux poissons rouges, alors que l'aérodrome pouvait facilement être atteint par la route qui traversait le jardin du nord au sud.

 

 

Avant de s'envoler à son tour vers Arrochelle, Gason marqua un arrêt à Mirakénèse, juste contre la véranda de la maison des Grands Protecteurs, au QG de la IIe Légion, pour choisir les unités destinées à la campagne du désert. 

 

 

On montra à Gason les Pierres de Protection de la IIe Légion. Plus personne n'y croyait vraiment, mais elles restaient dans les esprits comme un symbole, ou une mascotte. Gason se souvenait avoir eu beaucoup de pierres aux vertus bénéfiques dans son entourage, autrefois. Mais leur effet n'avait pas dû être si concluant que ça. Ou bien elles n'avaient pas reçu les soins compliqués qu'elles demandaient.

 

 

L'Archonte de la ville offrit un banquet aux Seigneurs Gason et Yadêmokyblès et à leur petite armée qui se préparait au départ. Mais il n'avait pas vraiment fait dans le cossu...

 

 

 Baie d'Authie, la cité souterraine du petit royaume d'Authiegane.

 

 

 

Les arènes de la cité, huitième sous-sol.

 

-      Général Chantalladçouss : ...Et nous avons noté un creusement du sol à l'entrée de la Passe des Epines. Nous recommandons à Sa Majesté d'interdire l'accès aux crêtes ouest, qui sont maintenant en surplomb de la mer. Cependant, les dégâts dûs aux dernières grandes marées sont surtout manifestes au nord et au sud de l'Authiegane et le vent continue de faire reculer la grande dune de la Vigie, ce qui, d'une certaine manière, renforce la barrière naturelle au nord de la vall...

 

-      Dame  Latêtokaré : Pardonne-moi de t'interrompre dans ton exposé, cher général, mais nous avons une invitée surprise qui fera bien plaisir à mon bien-aimé fils, le jeune et puissant roi Quintovic !

 

 -      Quintovic : GELDOUSH !!!

 

 -      Quintovic : Je suis trop heureux de te voir ! Je ne veux plus que tu partes ! On reste ensemble ici pour toujours !

 

-      Geldoush : Tu m'as manqué, mon Altesse de frère. Mais je suis venu te dire que je m'en vais, justement. Et tu pars avec moi. Tout le monde part d'ici ! J'ai eu une vision... A compter du solstice d'été, il va se passer 55 jours avant la destruction totale de l'Authiegane et de ses habitants. Et peut-être plus encore que ça... Bon, hélas, j'ai mis du temps pour enfin atteindre la cité et il ne reste que 49 jours. Quintovic, des ennemis implacables sont en train de débarquer dans les dunes pour retrouver la vallée du Poisson d'Or et récupérer cet objet néfaste. C'est le basculement cruel et définitif du mini-monde qui se prépare s'ils réussissent !

 

-      Quintovic : Rien que ça !! Tu t'affoles pour rien, voyons ! Je suis au courant depuis hier de l'arrivée d'une toute petite armée coloniale hédonienne et du soulèvement des Flammenkuchois contre le roi de Casteigne. La IIIe Légion est prête à se mettre en marche et nous allons remettre bon ordre dans tout ça. Ils n'atteindront même pas la vallée secrète.

-      Geldoush : Ma vision était violente et explicite : Tu ne gagneras pas cette bataille !

-      Quintovic : Tout le monde le disait aussi avant que je mette la pâtée aux Reulous, et regarde ! A 18 ans, je suis le nouveau héros du mini-monde berckois ! Je suis passé dans toutes les télés des nations du jardin d'Arrochelle ! Je suis plus célèbre que notre oncle Gason ! Notre père Yadêmokyblès , lui, était surnommé le "Lion du Potager" pour sa bravoure et son intelligence tacticienne. Je tiens de lui, sans aucun doute ! Qu'est-ce que tu penses de "Quintovic, le Renard du Désert" ? J'espère que ce n'est pas déjà pris ! Ooh !! Viens, j'ai quelque chose à te montrer !

 

-      Geldoush : Tu écoutes ce que je dis, ou pas tellement ? Tu es si dispersé parfois, on a l'impression que tu es plusieurs... Ah... Oui, c'est beau, qu'est-ce que c'est ?

-      Quintovic : Tu n'as jamais vu ça ? C'est une pièce de monnaie des Grands. Perdue dans le sable, tout près d'ici.

 

-      Geldoush : ...Tout près d'ici...

-      Dame Latêtokaré : Vous vous amusez bien mes enfants ? Mon Quinquin, fais donc honneur à ta mère et habille-toi mieux avant ton rendez-vous avec l'ambassadeur casteignan !

-      Quintovic : Au diable les ambassadeurs ! Ma soeur est revenue parmi les siens et c'est prioritaire ! Le sénateur Mêladate va gérer ça.

-      Geldoush : Maman, mon Frère, je crois que vous ne vous rendez pas compte du danger qu'il y a à vivre ici ! On sait depuis des années que l'érosion des dunes ne fait que s'aggraver, la mer emporte le sable et les arbres des forêts côtières. Comme il n'y a plus de plage à marée haute, les Grands traversent tranquillement l'Authiegane, et c'est comme ça qu'il font tomber des pièces quasiment sur nos têtes ! Un jour prochain, la cité peut s'effondrer ou être découverte par des promeneurs ! La confrérie des Grands Protecteurs ne peut pas vous protéger de tout si vous n'êtes pas assez prudents ! Elle pourrait d'ailleurs décider de vous transposer ailleurs sans demander votre avis.

 

-      Dame Latêtokaré : Ne dramatisons pas, ma chérie... Chantalladçouss a nommé une commission d'experts. Ils ont juste remarqué quelques arbres qui penchaient un peu plus, assez loin vers l'ouest. Nous avons encore de longues années devant nous. Quant aux Grands, il n'y a encore jamais eu de mauvaises rencontres avec eux et nous sommes assez malins pour que cela continue ! La confrérie le sait et elle respecte l'accord de non-ingérance. Et puis partir, partir... On n'évacue pas 800 personnes comme ça du jour au lendemain, ma chérie.

-      Quintovic : Qui parle d'évacuer ?! Ici, tout nous sourit, Geldoush ! La Nature, le Destin, l'Histoire, les Armes !... La colonie est prospère et la vie y est douce. La mer monte et les arbres tombent ? La belle affaire ! L'Authiegane fête ses 10 ans cette année et elle est repartie pour 10 ans, et 10 ans, et 10 ans de plus sous mon règne ! Mais tu dois être fatiguée par ce long voyage ! Allons faire une sieste, Maman va nous chanter notre chanson ! Veux-tu prendre un bain ? Manger quelque chose ? Oui, c'est certain, tu dois être épuisée !

 

"Dors, min p'tit quinquin
Min p'tit pouchin
Min gros rojin !
Te m'feras du chagrin
Si te n'dors point j'qu'à d'main."

 

Ainsi l'aut' jour eun' pauvr' dintellière
In amiclotant sin p'tit garchon
Qui, d'puis tros quarts d'heure, n'faijot que d' braire
Tâchot l'indormir par eun' canchon.
Ell' li dijot : "Min Narcisse
D'main t'aras du pain d'épice,
Du chuc à gogo
Si t'es sache et qu' te fais dodo."

 

Pendant que Dame Latêtokaré chantait, les envahisseurs progressaient vers les dunes avec détermination.

"Et si te m'laich' faire eun' bonn' semaine
J'irai dégager tin biau sarrau
Tin patalon d'drap, tin giliet d'laine,
Comme un p'tit milord, te s'ras faraud !
J' t'acat'rai, l'jour d'la ducasse
Un porichinell' cocasse
Un turlututu
Pour juer l'air du Capiau-pointu." 

 

"Nous irons dins l'cour Jeannette-à-Vaques,
Vir les marionnettes comme te riras
Quind t'intindras dire un doup' pou Jacques !
Par l'porichinelle qui parle magas
Te li mettras dins s'menotte,
Au lieu d'doupe un rond d'carrotte
Il t'dira merci
Pins' comme nous arons du plaisi !"

 

"Et si par hazard sin maîte eus'fâche,
Ch'est alors Narciss' que nous rirons
Sans n'avoir invie, j'prindrai m'n'air mache,
J'li dirai sin nom et ses surnoms
J'li dirai des fariboles,
I m'in répondra des drôles
Infin, unchacun
Verra deux spectac' au lieu d'un..."

 

 

A SUIVRE...