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Authiebourg - Cinquième partie
La colonne conduite par le major Cailleuse poursuivait sa marche dans le sable. Ces gens étaient de minuscules organismes vivants jetés dans l'immensité sauvage et majestueuse des environs de Berck-sur-Mer. Ils piétinaient dans le sable fin et déjà presque brûlant, attentifs aux moindres signes de danger.
Ces naufragés du désert n'avaient eu aucune nouvelle du reste de l'armée, qui devait, selon le plan prévu, avoir quitté Authiebourg bien avant la fin de la nuit. Cela pouvait laisser présager le pire... Le groupe était donc isolé et exposé à tous les risques imaginables.
- Madame Gypse : Vous sentez cette vibration ?
- Monsieur Silice : Oui... On dirait le pas d'un Grand... Major !
- Cailleuse : Restez calmes. Ecoutez.
- Monsieur Silice : On dirait que ça vient de notre côté !
- Le soldat : C'est un Grand qui vient droit sur nous ! A l'abri !
- Cailleuse : A couvert !
- Madame Gypse : Je le vois ! Il est énorme !
- Madame Gypse : HAAAAAAAAA !!!
- Cailleuse : Il est parti... Il ne nous a pas vus. Rassemblons tout le monde, cherchez les personnes qui peuvent être enfouies dans le sable.
- Madame Gypse : Nous avons perdu le duc... Recueillons-nous. Il était le huitième duc de Rumonaquie. Il aimait les plaisirs de la vie, même s'il était un peu revêche et capricieux. Il aimait surtout les jeunes soldats un peu bourrins, bénéficiant d'un petit cerveau qui rendait leur innocence et leur appétit de sensations nouvelles peu farouches... Pendant les derniers jours du siège, il organisait de savoureuses et décadentes orgies dans les broussailles, la nuit ; ah, Messieurs, combien d'entre vous y ont participé ! Et Monsieur Silice écrivait tout pour son maître avec talent. Nous manquons l'occasion de voir la publication d'un monument de la littérature sado-masochiste. Toute cette histoire tournait autour de l'idée de sortir le duc vivant du désert pour sauver la respectabilité du roi. Et voilà, c'est raté. Tout ça pour ça.
- Cailleuse : Et merde...
- Anna Kabonmine : Pauvre Monsieur Silice... Il aimait les plaisirs de la vie, et...
- Cailleuse : Oui, ça ira. Merci pour eux. Nous devons les inhumer ici et continuer...
- Cailleuse : Quatre morts, trois blessés légers, ça aurait pu être pire... Je me demande comment ça se passe à Authiebourg.
- Madame Gypse : Igor...
Dans la cité souterraine des Orchidiens...
- Yadêmokyblès : Mon frère, j'étais sûr de te retrouver dans les lointaines profondeurs de la cité.
- Gason Authienoüs : J'aime parcourir ces salles pour réfléchir...
- Yadêmokyblès : Les Oyatsines avaient mis beaucoup de temps et d'énergie à ramasser sur la plage les détritus laissés par les Grands. Pourtant, ils n'ont pas compris grand-chose au vaste monde qui les entourait.
- Gason : Leurs dirigeants avaient, pendant des générations, bien limité l'espace de curiosité et de compréhension du peuple. Ils pensaient ainsi garantir la survie de leur petite civilisation solitaire. Ce fut un choc pour eux quand l'équipage du "Sasgarion" les découvrit... Mais sommes-nous tellement différents, nous, aujourd'hui, alors que nous restons immobiles et sourds au milieu de la tempête ? Nous savons parfaitement que ce monde est trop vaste et compliqué. Que faisons-nous pour tenter d'améliorer ce qui peut l'être à notre bien modeste échelle ?
- Yadêmokyblès : La régente Bulotricia vient de m'appeler par radio et elle est de ton avis... Surtout après la visite de cette punaise de Kentika, dont je ne comprends pas bien le sens, à vrai dire...
- Gason : Kentika est tellement matoise et compliquée qu'on a parfois l'impression qu'elle est plusieurs... Il faut y aller, Mon Frère, nous DEVONS y aller ! Donne l'ordre !
- Yadêmokyblès : C'est fait, figure-toi. On n'attend plus que toi là-haut. Je te voyais bien à la tête de notre armée, comme autrefois. Après tout, je ne suis que le Vice-roi de ce pays d'Authiegane et le légendaire Mini-Lion du Potager ! Je ne fais pas le poids face à Gason Authienoüs, le héros de l'Orchide !
Pendant ce temps, à Authiebourg...
- Major Bruant du Platier : le secteur ouest sera difficile à défendre avec le peu de monde qu'il me reste.
- Kadawreski : Il faut tenir. Notre détermination les fera peut-être réfléchir. Et vous avez deux positions de repli successives possibles.
- Major Bruant du Platier : Oui, mais elles ouvriront à l'ennemi une voie directe vers le centre du périmètre fortifié.
- Le guetteur : Ils arrivent !!
- Kadawreski : Allons, Messieurs, c'est le moment. A vos postes et bonne chance.
- Le Tumaadi : Le destin s'accomplit !
Comme les officiers le craignaient, les hordes ennemies enfoncent le front ouest et pénètrent dans le coeur de la ville.
Igor Kadawreski en est réduit à lutter le dos au mur. C'est donc le moment de se montrer bravache et flamboyant aux yeux des rebelles et de ses propres soldats.
- Kadawreski : Soldats des Colonies ! Savez-vous bien ce que vous faites ?!
- Kadawreski : Vous gagnerez ce combat, mais la victoire est une illusion et l'Histoire ne se souviendra que de notre défaite ! Votre guide le Tumaadi vous trompe : Il vous emmène vers le chaos !
- Kadawreski : Il suffit que vous retrouviez votre bon sens. Regardez autour de vous : Authiebourg est en feu ! La fumée, la fureur de cette bataille vont alerter les Grands. Que ferez-vous quand ils seront ici, stupéfaits à la fois par notre existence et par ce qui se passe dans ces dunes ? Pensez-vous que Partirambus pourra résoudre ce péril d'une seule parole autoritaire et majestueuse ? Il est tout autant petit et fragile que nous et sa voix ne portera pas jusqu'à leurs oreilles.
- Kadawreski : Il en est de même pour tout le reste de ce qui motive votre juste colère. L'oeuvre dont vous rêvez n'est pas à votre échelle, ni à la mienne ! Mais si vous savez davantage convaincre que détruire, les Nations miniatures vous écouteront ! Soldats, dignes adversaires ! Je déclare que vous avez gagné cette bataille et que je me rends ! Je veux être plus utile que ça et je serai votre intermédiaire auprès des gouvernements pour obtenir justice et solidarité !
- Kadawreski : Mais la chose utile la plus urgente à faire est d'éteindre les incendies pour ne pas attirer l'attention des Grands, sans quoi rien, m'entendez-vous, rien ne sera plus possible ! Mettons-nous tous ensemble au travail !
- Un rebelle : Il a raison ! Nous sommes en grand danger d'être découverts ! Eteignons ces feux où bien nous sommes tous foutus !
Et voilà que les rebelles oublient soudain qu'ils étaient venus remporter une victoire totale et commettre un massacre saint et légendaire. Tout le monde se disperse pour trouver de l'eau, ramasser du sable et se précipiter sur les bâtiments en feu...
- L'officier : Alors là... Vous m'épatez.
- Kadawreski : Le solide bon sens des gens du désert est d'une infaillible puissance. Mais on peut facilement le canaliser et lui donner une direction...
La bataille d'authiebourg a pris un tour surprenant. On dirait presque que l'intrépide Igor Kadawreski avait prévu longtemps à l'avance de pouvoir s'en sortir comme ça...
A SUIVRE...
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